Les questions écrites à l'Assemblée nationale
Questions publiées au J.O - Réponses publiées au J.O
Question de Monsieur le Député Philippe Gosselin
Question publiée au JO le : 29/10/2019 page : 9518
Réponse publiée au JO le : 03/12/2019 page : 10526
Texte de la question
M. Philippe Gosselin attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des armées, sur les conditions d'attribution de la mention « Mort au service de la Nation ». Le 2 août 2017, l'adjudant-chef François Woignier, parachutiste du 3ème RPIMa de Carcassonne, est décédé lors d'une mission de préparation à une opération extérieure (OPEX).
Un dossier avait été déposé afin que la mention « Mort au service de la Nation » soit attribuée.
Cette mention a été refusée au motif qu'il ne serait pas décédé dans des circonstances exceptionnelles. Or ces circonstances exceptionnelles ne sont pas clairement déterminées puisqu'elles sont à la discrétion du ministre ce qui est cause d'inégalité de traitements éventuels.
En privant ces militaires de l'attribution de la mention « Mort au service de la Nation », l'État prive également leurs enfants du statut de pupille de la Nation.
Aussi, il lui demande de bien vouloir lui préciser les conditions requises pour obtenir l'attribution de la mention « Mort au service de la Nation » pour les militaires décédés et souhaite un réexamen de ce dossier.
Texte de la réponse
La mention « Mort pour le service de la Nation » a été créée par l'article 12 de la loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme et codifiée à l'article L. 513-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG).
Elle a pour effet de rendre obligatoire l'inscription du nom du défunt sur un monument de sa commune de naissance ou de son dernier domicile. Les enfants de la victime âgés de moins de 21 ans ont de plus vocation à se voir reconnaître la qualité de pupille de la Nation.
Comme l'indique l'article R. 513-2 du CPMIVG, « La mention "Mort pour le service de la Nation" est portée sur l'acte de décès par décision, le cas échéant, conjointe, du ou des ministres sous l'autorité ou la tutelle desquels est placé le service ou l'organisme dans lequel servait l'agent public ou le militaire : 1° Le ministre de la défense, pour les militaires ; 2° Le ministre de l'intérieur, pour les militaires de la gendarmerie nationale, à l'exclusion de ceux dont le décès est survenu lors de l'exécution d'une mission militaire ». L'instruction de la mention « Mort pour le service de la Nation » est effectuée par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre après demande de toute personne ayant intérêt à agir au profit de la personne décédée.
L'attribution de cette mention permet notamment, conformément aux dispositions des articles L. 513-1 et R. 513-1 du CPMIVG, de rendre hommage aux militaires ou agents publics « tués en service ou en raison de leur qualité » et dont le décès résulte de « l'acte volontaire d'un tiers ». L'intention du législateur est sans équivoque.
Cette mention a été créée comme marque de reconnaissance des militaires et des agents publics tués à raison de leur qualité ou de leurs fonctions.
C'est la raison pour laquelle elle a été créée dans le cadre de la loi de 2012 relative à la sécurité intérieure et à la lutte contre le terrorisme. Il n'a pas été souhaité qu'elle couvre tous les décès des agents publics dans l'exercice normal de leurs fonctions. Le décret n° 2016-331 du 18 mars 2016 relatif à la mention « Mort pour le service de la Nation », désormais codifié à l'article R. 513-1 du code précité, affirme en effet que peut également bénéficier de la mention « un militaire ou un agent public décédé du fait de l'accomplissement de ses fonctions dans des circonstances exceptionnelles. »
Décédé accidentellement le 2 août 2017 lors d'un exercice au camp de Caylus, l'adjudant-chef Woignier ne peut bénéficier de la mention honorifique « Mort pour le service de la Nation ».
En effet, n'ayant pas été tué du fait de l'acte volontaire d'un tiers, son décès ne répond pas aux conditions légales fixées par le CPMIVG.
En outre, il ne peut être fait droit à la demande sur la base réglementaire de l'accomplissement des fonctions dans des circonstances exceptionnelles.
Concernant l'accomplissement des fonctions, le terme renvoie à l'action, au comportement de l'agent ou du militaire décédé lors de l'événement. Dès lors, le comportement du militaire ou de l'agent, doit donc relever d'actes qui ne relèvent pas de l'accomplissement normal du service, comme la constance face à l'adversité, le courage voire le sacrifice consenti.
Concernant les circonstances exceptionnelles, elles s'apprécient par les juges comme des situations présentant les caractères suivants : gravité particulière ou anormalité (guerres, émeutes, cataclysmes naturels), imprévisibilité, irrésistibilité, tant dans leur survenance que dans leurs effets insurmontables qui s'assimilent à des cas de force majeure.
Au vu de tout ce qui précède, et sans méconnaître les mérites de l'adjudant-chef Woignier, il n'apparaît pas que son décès, survenu au cours d'un exercice usuel et planifié dans un centre d'entraînement habituellement dévolu à l'exercice tout terrain, réponde à la formulation du deuxième alinéa de l'article R. 513-1 du CPMIVG.
Il est cependant précisé qu'en application des dispositions du CPMIVG, du code des pensions civiles et militaires de retraite et du code de la défense, les ayants cause des militaires décédés peuvent prétendre au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité ainsi que d'une allocation du fonds de prévoyance en fonction de leur situation familiale et d'une pension de réversion en fonction de leur situation familiale et du nombre d'années de services accomplis par le militaire décédé.
Enfin, il convient de rappeler que le code de la défense prévoit en ses articles L. 4123-13 à L. 4123-18 un régime de protection particulière en faveur des enfants mineurs des militaires décédés ou blessés accidentellement, en temps de paix, au cours d'exercices préparant au combat. Les enfants bénéficiaires de cette protection, prononcée par un jugement du tribunal de grande instance, relèvent de l'action sociale des armées.
Au regard des ressources effectives de la famille, une aide à l'éducation et/ou une allocation d'entretien, d'un an renouvelable, peuvent ainsi être attribuées, jusqu'à la majorité de l'enfant, à son père, à sa mère ou à son représentant légal.
Des bourses et exonérations diverses peuvent en outre être accordées par l'État aux enfants protégés, même au-delà de leur majorité, en vue de faciliter leur instruction.